Qu’est-ce qu’un compliment ?
Ce sont des paroles louangeuses que l'on adresse à quelqu'un pour le féliciter ou le flatter. Cela peut concerner son apparence, ses caractéristiques, son comportement ou une de ses réalisations :
Tu es le meilleur !
Bravo champion !
Tu es la plus jolie
Tu as été un bon garçon aujourd’hui
Tu es super quand tu fais ça!
Tu as bien fait de rester là
Ton dessin est très beau
Tu es intelligent
C’est très bien ce que tu fais
C’est bien fait
En tant que parents, nous aimons gratifier nos enfants de compliments, de messages élogieux qui leur font plaisir, leur donnent le sourire. Nous voulons leur prouver que nous nous intéressons à eux, que nous les aimons, que nous sommes fiers d’eux, nous voulons les encourager, qu’ils se sentent confiants, conscients de leurs forces. Mais est-ce vraiment la bonne manière de s’y prendre?
Que renferme la plupart des compliments ?
Lorsque nous faisons un compliment à quelqu’un, sans même nous en rendre compte, nous soulignons :
- un état jugé satisfaisant : « tu es très jolie aujourd’hui », « Tu es allé chez le coiffeur ? Comme tu es mieux avec les cheveux courts ! »
- un changement/un progrès (réalisé par l’enfant) qui nous satisfait: « tu as mieux travaillé pour ce contrôle », « tu as fait de gros progrès en maths, c’est très bien », « Bravo chéri tu as bien joué aujourd’hui, tu t’es bien défendu »
- une action jugée comme étant correctement menée : « Tu as bien rangé ta chambre ». « Wow, ton tir était parfait ! » « Merci Laurent, tu as bien mis la table aujourd’hui »
Pourquoi ces compliments ne sont pas adaptés ?
Le compliment évalue l’enfant
Lorsque l’on dit à un enfant «c’est bien» nous évaluons ce qu’il fait. En assumant le rôle de juge, nous sous-entendons que nous sommes qualifiés pour statuer sur son apparence, ses performances, ses actions, que nous sommes plus avisés et sages que lui, qu’en somme nous sommes plus éclairés que lui. Jugé, il risque de se sentir inférieur à l’adulte et de ne pas savourer le compliment qui lui est fait.
Un compliment évoque également le fait que s’il avait fait autrement nous n’aurions peut-être pas été satisfaits, nous ne le trouverions peut-être pas si gentil, fort, intelligent.., on souligne le risque d’échec là où il n’y en a pas toujours! Ces compliments peuvent parfois mettre l’enfant sous tension et nous éloignent du but recherché.
Le compliment peut être porteur d’un message
Lorsqu’on souligne qu’aujourd’hui la table est bien mise, l’enfant entend le message qui se cache derrière ce compliment. Il comprend que son parent met en avant une action qu’il juge correctement menée pour faire passer le message suivant « d’habitude ce n’est pas le cas». Le plaisir du compliment fait vite place à la déception.
Le compliment peut créer une difficulté
Malgré nos bonnes intentions, un compliment peut mettre l’enfant en difficulté, créer un problème là où il n’y en avait pas. Un compliment peut par exemple :
- mettre l’accent sur les faiblesses de l’enfant plutôt que sur ses points forts s’il considère le compliment comme injustifié, non mérité. Je ne suis pas si bon que ça, je n’ai pas réussi à faire ce que je voulais. - Je ne suis pas si intelligent qu’il le dit, j’ai mis beaucoup de temps à comprendre cet exercice.
- le faire douter de la sincérité de la personne qui complimente. Le pense-t-il vraiment ou cherche-t-il à me faire plaisir? - A-t-elle vraiment vu tout le mal que je me suis donné?
- créer une tension. Et si je n’arrive pas à le refaire? - Et si je n’arrive pas à me maintenir à ce niveau?
- le faire abandonner. Je préfère m’arrêter tant que tout va bien plutôt que de risquer l’échec.
Si le recours aux évaluations est trop fréquent, nous n’aidons pas nos enfants à construire leur image. Ils ont besoin de s’évaluer eux-mêmes pour se construire, de se construire leur propre opinion, de se diriger vers une voie qu’ils auront eux-mêmes choisie, ils ont besoin de résoudre eux-mêmes leurs difficultés. Nous voulons qu’ils pensent et agissent par eux-mêmes et pour eux-mêmes, qu’ils révèlent qui ils sont, et que leurs comportements ne soient pas guidés par l’opinion des autres, qu’ils développent une belle estime d’eux-mêmes.
Mais en même temps il est tout à fait naturel que ce que disent ou font nos enfants suscitent en nous un sentiment positif, de l’émerveillement, du plaisir, de l’amour. Mais alors comment réagir? Que faire quand nos enfants réclament des compliments? Lorsqu’ils nous demandent de regarder et commenter leur spectacle improvisé? Leurs dessins? Que leur dire lorsqu’ils attendent une réaction de notre part? Quelles réponses leur apporter pour les satisfaire sans les décourager? Je vous propose ici des outils pour complimenter vos enfants sans les évaluer.
Le pouvoir de la description
Décrivez ce que vous voyez
Un outil efficace qui permet à votre enfant de voir que vous vous êtes intéressés à ce qu’il a fait est la description. Dès lors que vous décrivez ce que vous voyez, vous vous intéressez aux détails, votre message est précis, vous évitez tout jugement de valeur et votre enfant sent votre intérêt pour l’action menée au-delà du résultat.
- Au lieu de : Tu as rangé le salon comme je te l’avais demandé, tu es très gentil !
Essayez : Je vois tous les cubes dans le panier et les voitures sont dans le tiroir. Il n’y a plus rien par terre, on peut de nouveau marcher sur le tapis ! Merci beaucoup !
- Au lieu de : Ton dessin est très joli, je vais le mettre sur le frigo.
Essayez: J'aime beaucoup regarder ton dessin. Je vois des traits rouges et verts, des ronds ici, et là aussi. Et ça qu’est-ce que c’est ?
- Au lieu de : Tu es très doué au foot !
Essayez : Je t’ai vu courir après toutes les balles, j’ai vu la passe que tu as faite à Louis pour pouvoir marquer !
- Au lieu de : Tu es un bon grand frère.
Essayez : Ta petite sœur adore quand tu lui fais des bisous, elle rit aux éclats quand tu la chatouilles.
Décrivez l’effort
Plutôt que d’évaluer le résultat final, privilégions une description de l’effort fourni. En revenant sur le déroulement de l’action, l’enfant revoit son effort et sera beaucoup plus susceptible de le réitérer. Isabelle Filliozat nous le rappelle en ces termes : « Si le papa décrit ce qu’il a vu […] il aide son enfant à mémoriser l’action réussie…et donc à la réitérer ! »
Au lieu de : T’es trop fort !
Essayez : Tu as essayé encore et encore de mettre ta chaussette jusqu’à l’enfiler complètement ! Tu peux être fier de toi !
Au lieu de : Bravo tu es très doué !
Essayez : Je t’ai vu refaire plusieurs fois ta tour de cubes jusqu’à les avoir tous empilés. J’ai vu comme tu étais concentré pour pouvoir y arriver.
Décrivez le progrès
L’intérêt du compliment descriptif est qu’il peut être utilisé même lorsque les choses ne se déroulent pas comme prévu.
Lorsqu’un enfant, à qui on a demandé de ranger sa chambre, tarde à finir ou commence à se diriger vers une autre activité, il est tentant de souligner ce qu’il lui reste à faire ou ce qu’il ne fait pas bien pour le recentrer. Après tout, lui dire ce qu’on attend de lui ne l’aidera-t-il pas à s’améliorer ? Le problème c’est que se concentrer sur les erreurs démotive l’enfant et ne l’incite pas à poursuivre/reprendre l’effort. Mieux vaut lui faire remarquer ce qu’il a déjà accompli.
Utiliser le compliment descriptif va permettre de souligner les progrès réalisés jusque-là et sera ressenti comme un soutien.
Au lieu de : On sort dans cinq minutes. Dépêche-toi !
Essayez : On sort dans cinq minutes. Je vois que tu as mis ton pantalon et tes chaussettes… et bientôt ton tee-shirt!
Parfois nous aurons besoin de guider l’enfant qui ne se rend pas toujours compte de ce qu'il lui reste à faire. Dans ce cas-là on souligne le positif (au moins trois fois) avant de mentionner ce qu’il reste à faire. On mentionne ce qui « doit être fait » plutôt que ce qui est pour l’instant mal fait.
Au lieu de : Merci d’avoir débarrassé ta table mais tu as oublié ton verre
Essayez : Tu as mis ton assiette et tes couverts dans le lave-vaisselle et tu as même pensé à ramasser ta serviette tombée par terre ! Merci Louis ! Maintenant le lave-vaisselle n’attend plus que les verres pour démarrer.
Au lieu de: C’est super tu as voulu écrire ton prénom ! Mais là tu as écrit PAU, tu as oublié le L.
Essayez : Je vois les lettres de ton prénom ! Là c’est le P, le A, et là le U. Toutes les lettres sont assises sur la ligne et tu les as assemblées. Je les ai reconnues, c’est très clair ! Maintenant tu as besoin du L pour écrire ton prénom en entier.
Décrivez ses sentiments
Quand un enfant est démotivé, se trouve « nul », insatisfait de son travail ou de lui-même, nous voulons le rassurer, redorer son image par des compliments pour l’encourager. C’est bien naturel !
Un enfant essaie de réaliser un bonhomme en pâte à modeler et soudain vous l’entendez crier « Je suis trop nul ! Mon bonhomme tombe tout le temps! ». Notre réflexe est de l’encourager en lui disant « Mais non mon chéri, c’est vraiment bien ce que tu as fait. Ton bonhomme est très joli ! » mais en général nous n’obtenons pas l’effet escompté : « Non, il est pas beau, il tombe ! ». Alors que faire dans ces moments ? Reconnaissez ses sentiments !
«Tu n’es pas content de ton bonhomme, c’est ça ? C’est frustrant de ne pas arriver à le faire tenir debout ? C’est pas facile de faire tenir debout un bonhomme tout mou comme ça.»
Décrire les sentiments que vous observez va apaiser l’enfant qui va se sentir compris. De lui-même il pourra trouver une solution à son problème ou décider de passer à autre chose.
Et si vous souhaitez redorer son image, racontez-lui une anecdote sur lui-même, une histoire vraie de son enfance dans laquelle il a réussi des choses !
Complimentez sans comparer
Des enfants sont au parc avec leur parent et décident de monter en haut de l’araignée ensemble. Lorsque l’un d’eux arrive en haut il entend : « Bravo champion, tu es trop fort ! ». À votre avis, comment risque de se sentir les autres enfants restés en bas ou pour qui il est encore trop difficile de monter si vite tout en haut? Ils peuvent ressentir de la jalousie, du ressentiment mais surtout vivent cet instant comme un rejet «Maman m’aime moins parce que je n’arrive pas à faire comme Louis». L’absence de compliment peut parfois être mal vécu. Rappelez-vous comment vous vous sentiez enfant lorsque le maître donnait une image à ceux qui avaient obtenu le meilleur résultat alors que vous-même vous étiez bien battu pour ce contrôle!
Nous avons aussi recours à la comparaison pour flatter nos enfants :
« Tu manges tout seul comme un grand, ta petite sœur ne sait pas encore faire ça. »
« Tu écris ton prénom comme un grand, je suis sûr que les autres copains de ta classe ne savent pas encore écrire leur prénom comme toi. »
Quel est le souci ? me direz-vous. Nous ne voulons pas que la fierté de nos enfants se construise sur « les échecs » des autres, mais qu’elle provienne d’une satisfaction personnelle. Pour éviter la comparaison, restez descriptifs, commentez ce que vous voyez, les efforts, les progrès !
Parlez en message « je »
Un deuxième outil très efficace pour contourner les compliments qui évaluent consiste à parler en « je ». Alors en quoi cela consiste ?
Lorsque l’on fait un compliment tel que «bravo, tu es vraiment bon!», nous évaluons l’enfant. Dirigé vers l’autre personne, le compliment utilise souvent le pronom « tu » suivi d’une évaluation positive.
En utilisant un message « je », nous allons communiquer nos sentiments à l’autre sans le juger, nous allons décrire notre réaction face au comportement de l’autre, sincèrement.
Voici quelques débuts de messages «je» qui peuvent faire toute la différence dans vos compliments :
Je suis soulagée de voir la maison rangée quand je rentre du travail
J’aime beaucoup regarder ton dessin
Je prends beaucoup de plaisir à te voir faire rire ta petite sœur
J’ai apprécié pouvoir discuter avec mon amie sans être interrompue
Je suis content d’apprendre que votre soirée s’est déroulée comme prévu
Je suis rassurée quand tu mets tes brassards à la piscine
Je suis agréablement surprise de voir comment tu prends soin de Milou
Je suis ravie de dîner dans le calme
Si vous avez l’habitude d’utiliser des compliments qui évaluent, ces nouveaux outils vous demanderont un peu de pratique avant de pouvoir les maîtriser et que cela devienne naturel pour vous ! Mais ne lâchez rien car avec les compliments descriptifs vous tenez là un miroir devant vos enfants, vous leur montrez leurs forces. Et c’est comme ça que les enfants se forment une image d’eux-mêmes !
Nous créons au quotidien une banque de souvenirs qui ne peuvent être retirés. Ce sont les choses sur lesquelles il peut s’appuyer pour se redonner confiance face à l’adversité et au découragement. Dans le passé il a fait quelque chose dont il peut être fier et il a en lui le pouvoir de le refaire. Joanna Faber et Julie King.
Par Cecilia Bataller
Vous aimeriez développer une autre forme de communication avec vos enfants? Vous avez besoin de conseils personnalisés ? N’hésitez pas à me contacter pour voir en quoi et comment je peux vous aider.
Infos et rdv: info@leurpetitmonde.fr
Web: leurpetitmonde.fr
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